PARTONS D’UN RAISONNEMENT SIMPLISTE

Comment comprendre la liesse qu’arbore le gouvernement congolais face à ce qu’il considère comme une manne céleste suite aux promesses des organismes internationaux comme le FMI ou la BAD ?  

La RDC, pays de Lumumba, richement bénie, qualifiée d’une part de scandale géologique à cause de son sol et sous-sol, et d’autre part considérée comme le poumon de l’Afrique à cause de sa forêt et son fleuve, cette RDC deviendrait-elle subitement mendiante ?  

Lors de son discours à la nation, du 13 décembre 2021, le président Félix Tshilombo était fier de déclarer que sous son impulsion, les contacts avec nos partenaires au développement, notamment le FMI, ont abouti à la signature d’un accord permettant à la RDC d’accéder dans un premier temps, en 2020, au déboursement de 732 millions de dollars américains, au titre de la facilité de crédit rapide, ayant contribué au relèvement du niveau de nos réserves internationales. Par la suite, la RDC a conclu un accord triennal au titre de la facilité de crédit élargi pour un montant de 1,5 milliards de dollars américains.  

En même temps, nous apprenons (voir “La Prospérité” du 17 décembre 2021) que la Banque Africaine de Développement (BAD) a accordé à la RDC un prêt de 70.04 millions de dollar américains, pour permettre la mise en œuvre de la deuxième phase du Projet de Renforcement des Infrastructures Socio-économiques dans la région Centre (PRISE II). Quid de tous ces prêts ? N’est-ce pas là un subterfuge pour nous enfoncer dans le sous-développement ?  

La question est de savoir si nous devons nécessairement demeurer en état de quémandeur ou s’il y a moyen de nous affranchir ? 

Au regard de ces chiffres, je voudrais opposer les déclarations mémorables de l’ancien conseiller spécial d’Hippolyte Kanambe alias « Joseph Kabila », en matière de la lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux, le professeur Luzolo Bambi (Actualité.CD du 21 octobre 2021), qui se résument en ceci : « La RDC perd, en moyenne chaque année, 15 milliards de dollars américains à cause des actes de corruption. Et, malgré le départ d’Hippolyte Kanambe, rien n’a changé car le pays continue de perdre le même montant”. 

Je pense que les yeux de nos compatriotes commencent à percevoir la direction vers laquelle je voudrais les y amener, 15 milliards de dollars par an de perte dans notre trésorerie pour aller emprunter près de 750 millions de dollars et près de 70 millions de dollars à la BAD. Ne pensez-vous pas qu’avec des personnes responsables et conscienceuses, nous pourrons aisement nous affranchir? 

Qui veut nous voir dans cette triste situation? Qui nous met les bâtons dans les roues au point d’empêcher notre décollage économique et de là le relevement du niveau social? Le regretté  monsieur Honoré Ngbanda, ancien président national de l’APARECO, expliquait que depuis la conférence de Berlin de 1885, les occidentaux présents autour de la conférence avaient décreté que la RDC était un terra nullis c’est-à-dire une propriété commune n’appartenant à personne et donc à tout le monde. Ces puissances sont passées par leurs religions pour nous endormir et voici un extrait  tiré de leur fameuse charte de la conférence de Berlin: Votre but principal (but des missionnaires depêchés au Congo) est de “veiller entre autres à faire désintéresser nos sauvages des richesses dont regorgent leur sol et sous-sol, pour éviter qu’ils s’y intéressent, et ne nous fassent pas une concurrence meurtrière et rêvent un jour à nous déloger” (page 68, “Le Péché du Pape contre l’Afrique” par ASSANI Fassassi, Edition Alqasam, Paris 2020). 

Le ton étant donné, la suite s’est vu dans les discours des différents présidents français qui se sont succédés depuis François Mittérand, en passant par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et pour parachever cette idéologie, l’actuel président Français Emmanuel Macron viendra déclarer lors d’une conférence de presse, le 8 juillet 2017, en marge du G20 à Hambourg (Allemagne) : “Le défi de l’Afrique est différent, il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel”. Puisque les débats de ce G20 portaient aussi sur l’éventualité d’un “plan Marshall” pour l’Afrique, ce à quoi d’ailleurs n’y croyait pas Emmanuel Macron car à ses yeux, la civilisation Africaine n’était pas encore prête pour envisager un décollage ou un développement.

Plus près encore pour les RDCiens, historiquement parlant, lors de l’assassinat de Laurent Désiré Kabila,  l’ancien ministre aux affaires étrangères de la Belgique, se vantait (Jeune Afrique N°3107 de décembre 2021, page 16) d’avoir été le premier à annoncer le décès de Laurent Désiré Kabila. Et de là, pour voir qu’il n’y a qu’un pas au ton paternaliste, il relate sa conversation, avec son homologue de la défense, André Flahaut, après que deux de ses collaborateurs furent arrêtés par les services des renseignements Congolais, en ces termes: “C’est en arrivant au pied de l’avion qu’on m’a appris que deux de mes gardes du corps avaient été arrêtés. Cela s’était passé au tout début de la journée, quand j’étais allé voir Joseph Kabila. J’ai immédiatement appelé Gaëtan Kakudji, le ministre de l’intérieur. Tes hommes seront libérés demain, m’a t’il assuré. J’ai appelé André Flahaut, le ministre Belge de la défense. Il m’a dit: On a 300 blindés positionnés à Brazzaville, explique leur que, s’il faut extraire nos hommes de force, on a de quoi faire. J’ai fait passer le message à Kakudji”.

Est-ce pour autant que nous, Africains, ne pourrons pas nous affranchir de ces occidentaux?   

C’est comme ça que la RDC vit des guerres à répetition ayant comme but ultime et non-avoué les intérêts des multinationales sous la responsabilité de diverses puissances occidentales. En RDC, nous sommes passés de l’esclavagisme à la colonisation pour aboutir aux collabos, aux traitres et autres proxys. Qu’à cela ne tienne! Le feu Honoré Ngbanda, s’adressant à ces grandes puissances, avait déclaré lors d’une conférence de presse tenue au Press Club Bruxelles en mars 2018 ce qui suit: “Le temps est venu où vous devez sincèrement accepter l’instauration d’un nouveau rapport de force et d’intérêt qui tienne réellement compte des intérêts de vos enfants et de nos enfants. Si non, nos enfants, spoliés et révoltés, emprunteront demain, d’eux-mêmes, tous les chemins légaux et illégaux pour atteindre vos pays, où ils savent que leurs richesses ont été indument emportées. Et le vagues d’immigration illégale que vous redoutez aujourd’hui deviendront demain un véritable tsunami que ni vos murs barbelés, ni vos bateaux de guerre, ni vos hélicoptères et vos drônes ne sauront contenir”. 

Cette technique des occidentaux est connue de tous. Récemment encore, avec la Libye du colonel Kadhafi, rappelons-nous comment ces occidentaux s’étaient organisés pour mettre un terme à la vision d’une Afrique indépendante, lancée par le colonel Kadhafi. 

Le magazine en ligne “Cairn.info du 2 novembre 2011” écrivait ceci: La première des « vraies raisons de la guerre en Libye » évoquées était la volonté d’empêcher une indépendance africaine en matière de réseau satellitaire. 

Et de poursuivre : « L’histoire démarre en 1992 lorsque 45 pays africains créent la société RASCOM pour disposer d’un satellite africain et faire chuter les coûts de communication sur le continent. Téléphoner de et vers l’Afrique est alors le tarif le plus cher au monde, parce qu’il y avait un impôt de 500 millions de dollars que l’Europe encaissait par an sur les conversations téléphoniques même à l’intérieur du même pays africain, pour le transit des voix sur les satellites européens comme Intelsat […]. Un satellite africain coûtait juste 400 millions de dollars payable une seule fois et ne plus payer les 500 millions de location par an. Quel banquier ne financerait pas un tel projet ? Mais l’équation la plus difficile à résoudre était celle de savoir comment l’esclave peut-il s’affranchir de l’exploitation servile de son maître en sollicitant l’aide de ce dernier pour y parvenir ?  

Ainsi, la Banque Mondiale, le FMI, les États-Unis d’Amérique, l’Union Européenne ont fait miroiter inutilement ces pays pendant 14 ans. C’est en 2006 que Kadhafi met fin au supplice de l’inutile mendicité aux prétendus bienfaiteurs occidentaux pratiquant des prêts à un taux usuraire. Le guide Libyen a ainsi mis sur la table 300 millions de dollars, la Banque Africaine de Développement a mis 50 millions, la Banque Ouest Africaine de Développement, 27 millions et c’est ainsi que l’Afrique a depuis le 26 décembre 2007 le tout premier satellite de communication de son histoire. Dans la foulée, la Chine et la Russie s’y sont mises, cette fois en cédant leur technologie et ont permis le lancement de nouveaux satellites sud-africain, nigérian, angolais, algérien et même un deuxième satellite africain est lancé en juillet 2010.  

Et on attendait pour 2020, le tout premier satellite technologiquement 100 % africain et construit sur le sol africain, notamment en Algérie. Ce satellite était prévu pour concurrencer les meilleurs du monde, mais à un coût 10 fois inférieur, un vrai défi. Voilà comment un simple geste symbolique de 300 petits millions pouvait changer la vie de tout un continent. La Libye de Kadhafi allait faire perdre à l’Occident, pas seulement 500 millions de dollars par an mais les milliards de dollars de dettes et d’intérêts que cette même dette permettrait de générer à l’infini et de façon exponentielle, contribuant ainsi à entretenir le système occulte pour dépouiller l’Afrique ». Hélas!!! Ils ont fini par neutraliser Kadhafi, ils l’ont assassiné et son projet avec.  

Chers compatriotes, les millions de dollars que Kadhafi mettait sur la table pour sortir l’Afrique de la main mise occidentale n’est rien par rapport aux milliards dissipés par la RDC comme le souligne le professeur Luzolo Bambi. Que serions-nous et où serions-nous si habilement, adroitement, sagement, on contrôlait rigoureusement nos finances? Combien de projets, aujourd’hui, promis par Félix Tshilombo ne seraient-ils pas réalisés? La rigueur n’est pas encore dans le vocabulaire des dirigeants congolais. 

N’est-ce pas qu’avec ces milliards nous aurions pu, à l’instar du colonel Kadhafi, permettre à l’Afrique de voir et vivre des jours meilleurs? 

Si Franz Fanon considerait la RDC comme la gachette de l’Afrique qui a la forme d’un revolver, nous pouvons aussi voir cette gachette non sous forme d’explosif pour un continent mais aussi sous forme d’appui au décollage ou à l’épanouissement de l’Afrique.  

Partout au monde on vante les projets sur Inga mais pourquoi sont-ils à l’arrêt? Il faut toujours attendre le financement extérieur quant on sait que Vital Kamerhe, à lui tout seul, a détourné près de 400 millions de dollars? 

Comment Félix Tshilombo peut-il encore croire et demander à ceux-là mêmes qui pillent le pays, vivent de la corruption, de réformer le pays ? Comment espérer faire du neuf à partir du vieux ? Y a-t-il, réellement, de la part de Tshilombo, une volonté de voir ce pays décollé ? 

Laissez-nous en douter. Si son propre président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, se lamente (Voir « La République » du 14 décembre 2021) en déclarant face au non-respect des articulations des Lois des finances : « Ou alors nous élaborons le budget dans la complaisance. Comment peut-on comprendre que là où il était prévu des dépenses pour réaliser 708 projets, on n’en a réalisé que 41. Plus grave, on avait prévu pour les 708 projets 160 milliards de Francs congolais (80 millions USD), mais on est allé à 200 milliards de Francs congolais (100 millions USD) pour 41 projets ». 

Ajoutons à cela, toujours suite au discours de Tshilombo à la nation, ce qu’écrivait “Le Journal” du 14 décembre 2021: La famille Tshisekedi est « embarrassée par le scandale sur la taxe RAM » qui révèle que le ministre Kibassa n’est autre que le propre beau-frère du Chef de l’Etat. Sa sœur, Isabelle Kibassa Maliba, est l’épouse de Jean-Claude, le grand frère de Félix Tshisekedi. Députée PS provinciale du Brabant wallon, en Belgique – pays dont elle a la nationalité – elle a donné sa démission il y a peu et se consacre à diriger le bureau Best Consulting. Or, selon Espoir Ngalukiye, expert de La Lucha – organisation civique bien connue – qui l’a déclaré devant l’Assemblée congolaise début octobre, c’est Best Consulting qui se cache derrière la société 5C Energy, créée en novembre 2019, qui a signé un contrat avec l’ARPTC et empoche 30% des recettes de la taxe RAM comme prestataire du service. Entre les 30% de 266 millions de dollars qui iraient à une société liée à sa belle-sœur, les 40% pour l’Etat dont on ne trouve pas trace, et les 25% pour l’ARPTC dont le ministère des Postes et Télécoms assure que le Président est le seul ordonnateur des dépenses, cela fait beaucoup d’argent, déplore le trihebdomadaire. 

Les nombreux micros balladeurs dans les rues de la RDC sont des monotoring fiables de la  déliquescence du pays. Face aux nombreuses promesses fallacieuses de Tshilombo, la population se sent perdue et abandonnée à son triste sort, au point de voir émerger par-çi par-là des rappeurs inspirés ainsi que des griots chantés leurs déceptions. L’attitude des gouvernants a été tellement décevante au point que les pleurs de la population reste inaudible. 

Comment expliquer à cette population que la présidence de son pays se permettait d’offrir des véhicules neufs à ses parlementaires il y a quelques mois et récemment, ce 25 décembre, aux officiers de la FARDC pendant que cette même population manque de quoi se mettre en bouche? Je pense que Tshilombo confond ce qu’il entend par incitation économique. On appelle incitation économique (Wikipédia) “ toute mesure spécifique de politique économique non-obligatoire, cherchant à obtenir des agents qu’elle vise un comportement déterminé, non souhaité par eux, ou qu’ils n’ont pas idée d’adopter au moins au départ, en échange d’un ou plusieurs avantages déterminés. La notion peut alors se concevoir sous différentes formes selon le contexte (économique, commercial…) et la personne qui en est la cible, qu’il soit un simple client ou bien un employé”.  

Pour Félix Tshilombo, cette incitation vise le soutien des bénéficiaires, en sa faveur, lors des prochaines élections. Jusqu’à ce jour, en Afrique et plus particulièrement en RDC, ce n’est pas le programme des candidats aux élections qui importe. Peuple affamé n’a point d’oreilles dit-on, d’où, il faut pour un court temps satisfaire aux besoins de ce peuple appauvri sciemment. Raison pour laquelle nous voyons les politiciens offrir à ce peuple des T-Shirts et quelques morceaux des pains, question de se couvrir et de se nourrir le jour du meeting et basta. Qui vous a dit : Le peuple d’abord?  

Chers compatriotes, l’APARECO a toujours appelé à un soulèvement populaire, une révolte de la population. Notre ras le bol doit se muer en action populaire. On nous a longtemps vilipendés parce que nous ne faisons que dénoncer le mal. Nous pensons que nous devons intensifier la presssion sur les gouvernants de ce pays jusqu’à les pousser à bout et nous y arriverons si nous ne nous relâchons pas. Il faut croire que la détresse du peuple congolais ne suffit pas à ouvrir les yeux de ses gouvernants. N’attendez rien des responsables qui ne respectent pas leurs engagements.   

C’est pourquoi je rejoinds la pensée de notre compatriote africain ASSANI Fassassi qui dans son ouvrage “Le Péché du Pape contre l’Afrique” (Edition Alqalam 2020, Paris, 4ème de couverture) dit: “De même que le Juifs seraient aujourd’hui des sous-hommes si Hitler et le nazisme avaient gagné et continuaient à régner sur l’Europe, de même, les Africains demeureront des damnés de la terre et des miséreux aussi longtemps que l’Occident à régner sur l’Afrique et les Africains par l’intermédiaire de ses tentacules Institutions nationales et internationales”. 

 

INGETA 

 

Clovis MBIKAY 

VPN/E.F.I. 

Bruxelles, 27 décembre 2021 

 

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